Mathilde Hess est née en 1983. Après une formation de graphisme aux Arts Deco de Strasbourg, elle réalise ces premiers films au Fresnoy, Studio National.
Elle dessine, écrit et filme à Paris et au Vietnam. Son premier texte « Carnets vietnamiens » paraitra cet automne aux Editions de L’Eperdu.

Mathilde Hess

Au tout début, je dessinais. Pour prolonger les heures passées dans mes livres d’images. Pour plonger dans les paysages, les objets, les visages, observés comme des énigmes, détaillés avec tant d’attention que le réel basculait dans le fantastique. Ce rapport au monde intrigué, en retrait, je l’ai gardé comme j’ai gardé le passage ouvert entre ce qu’on a sous les yeux et les histoires qu’on invente. 

Au début, il y avait le dessin et l’écriture, puis la photographie, la mise en scène pour poursuivre le jeu, pour raconter des histoires, enfin le cinéma.

Dans les écoles d’art où j’ai passé mes années d’études, HEAR, HEAD et Le Fresnoy, j’ai créé des laboratoires où tout explorer, tout expérimenter, des différents matériaux.


Pour ne garder finalement que les mots, le mouvement et la lumière;

et le dessin, s’il est fait de lignes, de points, à l’encre de chine, de papiers fins posés sur des structures en bambou.

En Asie les constructions légères soulignent la porosité entre l’intérieur et l’extérieur, entre les vivants et les morts, entre les animaux et les végétaux.

En Asie j’ai appris à faire de la place à ce qu’on ne voit pas.

L’air sur lequel on pose les cerfs-volants, le hors-champs des photographies, les disparus que j’essaye de faire tenir entre les lignes des textes que j’écris.


J’ai toujours marché très lentement, j’aimais flâner avant de connaitre le nom de cette activité. Ma professeur de danse japonaise m’avait dit : on reconnait les fantômes à leur démarche, ils se déplacent très lentement. 


Sans heurt, sans bruit, j’observe mes propres mains qui travaillent, les gestes qu’elles inventent dans cet espace que j’installe pour elles : 

une table en bois, des pages, des encres, des pinceaux, des ciseaux, du rotin et du bambou.

Les mains bricolent. Je me tiens prête. Des formes apparaissent. Mon travail est de les reconnaitre, de les suspendre, de les regarder.

Elles portent un esprit avec lequel je dialogue, j’écoute. Je ne peux pas le brusquer. 

D’ailleurs j’utilise des matériaux qui se déchirent. Naturellement ils guident les mains vers des gestes qui ressemblent à ceux que j’ai tant regardés, là-bas, en Asie. La douceur, une douceur qui accomplit, imperturbable.